Description du projet
Isa SATOR
Portraits de famille
de Bécassine
Peintures
EXPOSITION du Samedi 23 Juin au Samedi 7 Juillet 2018
sur place au 4 rue Saintonge 75003 sur rendez-vous au 06 08 25 45 97
Famille céleste
La bonne distance
Il y a, dans la manière de peindre d’Isa Sator, une joie de vivre évidente qu’elle déploie avec une énergie rare et un talent auxquels il est difficile de résister.
Courbes lestes, lignes onduleuses, rapidité du geste, élégance des atours dont elle pare ses modèles, les portraits qu’elle nous livre aujourd’hui brillent de feux dorés et d’éclats de couleurs pulpeuses.
Qu’elle s’empare de sujets ou de thèmes, qu’elle se glisse dans les fééries des Mille et une nuits ou se confronte aux passions humaines, elle le fait avec une légèreté qui ouvre sur une sorte de distance porteuse à la fois d’humour et de vérité. Savoir peindre à la bonne distance, voilà bien l’une des qualités du travail d’Isa Sator.
À travers les âges
Ces femmes qui exhibent leur tête, leur chevelure, leurs bijoux, leur robe, semblent tout droit sorties des murs d’une de ces demeures dans lesquelles, autrefois, on rassemblait les portraits des membres illustres ou contestés de la famille à travers les âges.
C’est une telle famille qui est ici présentée à travers quelques-uns de ses spécimens les plus « baroques », mais, pour ne pas s’embarquer dans des considérations oiseuses, elle doit être comprise comme étant la famille imaginaire d’Isa Sator.
Elle est composée de visages peut-être connus mais surtout inconnus, et cela importe peu, car réels ou inventés, en tenue rock ou en robe à falbala, en robe de cour ou en de tenue de reine de conte de fée, ces visages de femmes viennent à nous comme ceux d’amies fantasques peut-être, mais charmantes.
S’ils nous charment tant, ces visages tout droit sortis d’un cottage hanté par des fantômes heureux, c’est que le temps semble n’avoir pas de prise sur eux. Ils nous apostrophent avec leur visage le plus vrai ou plus exactement avec ce qu’il y a de plus vrai en eux. C’est pourquoi, ici, le temps semble ne pas compter du tout. Nous sommes dans un « espace imaginaire » sur lequel la mort semble n’avoir pas de prise.
C’est le présent dans sa pure munificence qui s’expose sous les couleurs brillantes qu’utilise à merveille Isa Sator dans sa peinture.
Oui, ici, le temps ne semble pas compter. Où alors il faut le chercher là où il se cache, non parce qu’il fuirait mais parce que, dans ces détails, il a su trouver comment parvenir à durer indéfiniment.
Ce sont les atours, les bijoux, les robes, les boucles d’oreilles, les parures, les couronnes, les coiffures extravagantes qui ont capturé le temps et en ont fait la châsse dans laquelle s’exhibent ces visages.
Joie secrète et mélancolie impartageable
Portés par l’intensité de cette immobilité de parade, les visages des femmes de cette famille imaginaire semblent pourtant aussi nous délivrer un tout autre message. Ce serait avouer n’avoir pas « regardé » les tableaux que de n’avoir pas noté combien, d’un visage l’autre, une forme de mélancolie les habite.
Ce n’est pas de la tristesse, ce n’est pas de la déception, c’est à l’évidence l’ombre portée du doute quant à la véracité des affirmations habituelles au sujet de la famille qui en font le lieux des bonheurs partagés.
La réalité, on le sait est tout autre, et le plus souvent, la famille est « aussi » le lieu dans lequel se jouent les drames les plus sombres et où cuisent les rancœurs les plus amères.
C’est que la famille n’est pas le paradis que l’on croit mais bien l’antre dans lequel se concoctent les plats les meilleurs comme les pires, les breuvages qui soignent et les poisons qui tuent.
Alors, comme s’il s’agissait de nous inviter à trouver les moyens d’échapper à tous les mauvais souvenirs qui pourraient venir à nous, sans pour autant nier qu’ils existent, Isa Sator met en branle son savoir-faire si singulier, si efficace, si salvateur.
Pour elle, ces femmes sont des membres de la grande famille imaginaire, faite néanmoins aussi de personnes qui existent ou ont existé, et cette famille imaginaire elle la nomme sa « famille céleste ».
C’est alors que l’on comprend d’où vient la force heureuse de ses oeuvres, c’est qu’elle va puiser dans le réservoir sans fond de l’imaginaire pour contrer les puissances négatives qui sans cesse viennent tenter d’abîmer la vie. Et, de l’accès privilégié qu’elle a su se construire à cette source-là, elle peut, sans relâche, venir nous éblouir des éclats de sa peinture et nous faire aimer « sa » famille imaginaire et céleste comme si elle était aussi la nôtre.
06/06/18
Jean-Louis Poitevin
Écrivain, critique d’art, membre de l’AICA,
Rédacteur en chef de TK-21LaRevue (www.tk-21.com)