L’OMBRE DU TEMPS
Exposition de Thierry Chavenon
EXPOSITION du Jeudi 4 Février 2016 au Samedi 27 Février 2016
VERNISSAGE le Jeudi 4 Février 2016 de 18h30 à 22h30 en présence de l’artiste
CLÔTURE le Samedi 27 Février 2016 de 18h30 à 22h30 en présence de l’artiste
L’ombre du temps
«J’aime la matière éclairée, et même si ce sont des mouvements rapides j’aime qu’on y perçoive une traînée puissante, quelque chose de pas endormi, des perspectives, point de lumières, des choses qui s’estompent, effacées par le temps, tellement rapidement qu’il y a un dynamisme… ». C’est Thierry Chavenon qui parle de ses tableaux, à demi-voix, avec douceur mais gravité. On entre dans son univers avec inquiétude comme la caméra d’Hitchcock pénètre dans une maison ou celle de Fritz Lang dans une ville : une maison ou une ville avec ses reliefs, ses intrigues, ses épaisseurs, sa force architecturale… à tâtons, on peut se cogner, à la recherche d’une lumière que l’on finit toujours par trouver. Chacune de ses toiles semble être le cadre d’une intrigue, d’un mystère à découvrir, d’un suspense qui aurait pour dénouement une sorte d’anonymat existentiel qui ouvre encore la porte vers d’autres ombres du temps. Le cinéma n’est pas loin.
Thierry Chavenon y a passé une vingtaine d’années à arpenter les plateaux, d’abord comme stagiaire sur Nikita de Luc Besson, puis sur Jusqu’au bout du monde du mélancolique Wim Wenders, jusqu’à devenir Chef décorateur du film De l’autre côté du périph de David Charhon et de En solitaire de Christophe Offenstein. Avec ces décors commence son travail pictural ; face aux projecteurs, il ruse pour faire plier la brutalité de la lumière, lui préférer l’ombre et la faire deviner plutôt que l’exposer.
Il explore en lui la passion de l’ambiance qu’il oppose encore aujourd’hui au narcissisme. Mais le cinéma c’est aussi un travail hiérarchisé, avec ses équipes, avec ses contraintes économiques et humaines qui canalisent les émotions. Plus encore dans la centaine de films publicitaires auxquels Thierry Chavenon a apporté son travail. Outre la démesure de la marchandise et de son prestige qu’il faut toujours éclairer plus, c’est aussi la puissance des directeurs de la photographie comme John Mathieson, Peter Suschitzky, ou Vilko Filac, ces autres démiurges de la lumière, qu’il rencontre là. Grands espaces sud africains ou américains, on est «extérieur plein ciel», mais aussi lumière noire de Berlin ou de Prague qui dans les années 1990 s’envolent vers les marchés, accueillent les tournages européens mais sans pour autant renier leurs filiations Mittel Europa.
D’avant, il aime parler de sa grand-mère qui baignait familialement dans les décors d’opéra, la musique classique et le dessin ; elle l’inscrit à l’École supérieure des arts modernes (ESAM) où il se forme à la rigueur architecturale et devient décorateur. A moins qu’il ne se rappelle que son père dessinateur-projeteur, dans un cabinet d’architecte à Orléans, traçait les plans d’un lotissement résidentiel tout droit sorti de l’imaginaire Bauhaus dans lequel Thierry passa toute son enfance. Les souvenirs sont parfois arbitraires, les filiations souvent convenues mais pourtant son parcours et aujourd’hui ses tableaux témoignent, presque brutalement, de ces repères.
Puis Thierry Chavenon a voulu en découdre, comme on dit des combats essentiels que l’on remet toujours à plus tard. Il s’est mis à peindre presque comme un fou, une centaine de toiles. Il dit que ses peintures sont des impulsions. Il fabrique une toile comme d’autres piquent une colère. Il travaille par pochade, sans esquisse comme d’autres font du trapèze sans filet, sans ressentir le besoin d’un croquis contraignant. Il peint des masses. Ses pinceaux doivent s’écraser sur la toile et laisser une large empreinte. Sans peur. Avec énergie. Son univers est marqué par une relation dialectique entre le noir et le blanc. Les couleurs se font entendre, mais en sourdine. On y perçoit les échos éloignés de l’Action painting ce courant new yorkais des années 1950 qui ne voulait pas dissocier la gestualité du travail des formes prises par la peinture de certains expressionnistes abstraits.
Aujourd’hui Jean-Philippe Therond, en sa galerie rue de Saintonge, nous présente ses peintures. Le dernier voyage d’une femme nue (Memento mori) nous installe dans L’ombre du temps.
Jean-Pierre Hassoun
Directeur de recherche CNRS
The Shadow of Time
« I like illuminated surfaces. Even when there are quick movements. I like that one can perceive a powerful luminous trace, something that feels alive, with perspective and points of light. Elements that are blurred, that have been erased by time, so fast, you can feel the energy…” Thierry Chavenon speaks of his paintings in a half whisper, softly but with affirmation. We enter his pictorial universe with the same tension as Hitchcock’s camera penetrating a house or Fritz Lang’s roaming a city’s streets: a house or a city with its own volumes, intrigues, depth, its powerful architecture… slowly, cautiously, searching for a light that will always be found in the end. Each of his painting’s seems to contain an intrigue, a mystery to discover, suspense that leads to a kind of existentialist anonymity that opens a door to other shadowy realms. We aren’t far from the cinema world.
In fact, Thierry Chavenon spent 25 years behind the scenes of the silver screen, first as trainee for films like Luc Besson’s Nikita or Wim Wenders’ Until the End of The World eventually becoming chief set designer on David Charhon’s film On the Other side of the tracks and Turning Tide by Christophe Offenstein. It is in fact with these set designs that his pictorial work begins; it is there before the projectors that he begins to turn away from light’s brutality, preferring shadows, wanting it to suggest rather than expose.
It is during this time that he investigates his passion for creating « ambiance », which still to this day he contrasts with narcissism. But, cinema is also a hierarchical work environment, with its teams efforts, with economical and human constraints that help channel emotions. Even more so on around a hundred commercials Thierry Chavenon has brought his work . Besides the excessiveness of the products and their prestige, which must be highlighted more and more, it is also the prowess of the directors of photography (John Mathieson, Peter Suschitzky, or Vilko Filac to name a few), these other demiurges of light, that he met there.
With the wide open spaces of South Africa or America, we are taken outside in full light but the dark light of Berlin or Prague which in 1990 joined the market and hosted a great number of western European movies sets without forgetting their affiliation to Mittel Europa.
From before, he likes to speak of his grandmother who had been exposed to Opera set-design, classical music and drawing. She enrolled him at the « Ecole Supérieure des Arts Modernes » (ESAM) where he was educated to the architectural rigor and became decorator. Or perhaps he was more influenced by his father, a project designer working in an office in Orléans, who designed a residential complex influenced by the Bauhaus where Thierry spent all his childhood. Memories are sometimes arbitrary, filiations often obvious, however his paintings attest to these influences.
Then Thierry Chavenon was finally ready to take the plunge, like many of life’s essential challenges, he had put this desire off until a later time. He began to paint, with a fury, completing around one hundred works. He says that his paintings are impulses. He paints the canvas just as others throw a fit. He works spontaneously, without sketches, without constraints, like a trapeze artist without a safety net. He paints texture. His brush crushes into the canvas and leaves a deep imprints. Without fear. With energy. His universe is deeply influenced by a dialectic relationship between black and white. Other colors are heard but muffled. We perceive the influence of the Action Painting movement that hit New York in the 1950’s, employing physical gestures that created the forms of certain abstract expressionists.
Today Jean-Philippe Therond, in his gallery, rue de Saintonge, shows his paintings. The last travel of a naked woman (Memento mori) seated us in The shadow of Time.
Jean-Pierre Hassoun
Senior Researcher CNRS